Le développement d’un médicament est un processus long, complexe et rigoureusement encadré. Ce processus de mise sur le marché d’un médicament, qui s’étend généralement sur une période de 10 à 15 ans, est composé d’une succession d’étape depuis la recherche initiale à la commercialisation et obéit à une règlementation très encadrée.
Ces différentes étapes visent à garantir la sécurité, l’efficacité et la conformité du médicament final avant son utilisation par les patients.
Dans cet article, je vous présente les principales étapes de ce processus, ainsi que les aspects réglementaires qui y sont associés.
Sommaire
Les différentes phases du cycle de vie du médicament
Étape 1 : Phase de découverte – Recherche et développement
Cette phase initiale, du processus de mise sur le marché d’un médicament comprend la recherche fondamentale et appliquée. Son objectif est d’identifier, à travers plusieurs étapes de criblage, les molécules les plus prometteuses parmi environ 10 000 composés étudiés. La phase de découverte vise ainsi à réduire progressivement ce nombre pour ne retenir qu’une centaine de molécules d’intérêt, destinées aux essais précliniques.
Étape 2 : Essais Pré-cliniques – Tests en laboratoire sur cellules et animaux
Les essais pré-cliniques sont réalisés sur les molécules prometteuses identifiées lors de la R&D. Ils visent à déterminer si une molécule possède un potentiel thérapeutique. Cette phase implique des tests en laboratoire sur des cultures cellulaires et des modèles animaux afin d’évaluer la toxicité, la pharmacocinétique (absorption, distribution, métabolisme, excrétion) et la pharmacodynamique (effets biologiques). Les données recueillies permettent de décider si le produit est suffisamment sûr pour passer à l’évaluation clinique chez l’humain.
A ce stade, les exigences réglementaires applicables sont les bonnes pratiques de laboratoire (BPL). Elles garantissent la fiabilité des résultats obtenus, qui seront soumis aux autorités réglementaires pour obtenir l’autorisation de démarrer les essais cliniques.
Un bon candidat médicament doit être :
– brevetable ;
– stable dans des conditions variées (température, lumière, humidité) ;
– atoxique, non mutagène ;
– bien absorbé par voie orale ;
– facilement synthétisable au niveau industriel ;
– actif sur différents modèles animaux.Caractéristiques principales extraite du livre : Initiation à la connaissance du médicament
Étape 3 : Essais cliniques – 3 étapes : Phase I, II, III
Les essais cliniques sont l’étape au cours de laquelle un nouveau traitement est testé chez l’Homme. Ils se divisent en trois sous-phases distinctes, chacune visant des objectifs précis.
Phase I : Pharmacologie humaine
La phase I marque le premier essai sur des humains, en général un petit groupe de volontaires ou de patients en bonne santé (20 à 80 individus). Cette phase a pour objectif principal d’évaluer la sécurité du traitement, sa tolérance et son comportement dans l’organisme (pharmacocinétique et pharmacodynamique). On y mesure également les effets secondaires potentiels et la dose maximale tolérée.
Note : Le choix de la dose de départ se fait à partir des données de la toxicologie animale (phase préclinique). Les doses suivantes sont ensuite augmentées de manière progressive, sous contrôle médical stricte (surveillance clinique et biologique), tant qu’aucune toxicité n’est mise en évidence.
Phase II : Thérapeutique exploratoire
Durant la phase II, le nombre de participants est augmenté (environ 100 à 500 patients) et le groupe est composé de patients atteints de la maladie ou de l’affection que le médicament est censé traiter. Cette phase vise à collecter des données préliminaires sur l’efficacité du médicament tout en continuant d’évaluer sa sécurité. Les chercheurs déterminent également la dose optimale à administrer pour maximiser les effets thérapeutiques tout en minimisant les risques. Elle se divise en 2 phases: la phase IIa (études pharmacocinétiques) et la phase IIb (vérification de l’efficacité thérapeutique).
Phase III : Confirmation thérapeutique
Cette phase implique un grand groupe de patients, de plusieurs centaines jusqu’à plusieurs milliers de patients. Elle a pour but de confirmer l’efficacité du médicament, de le comparer au traitement de référence (s’il existe) ou à un placebo (si aucune thérapie n’existe), de surveiller ses effets secondaires et de recueillir des informations complètes sur sa sécurité. Elle vise à confirmer le rapport bénéfice/risque du médicament. Les résultats de la phase III sont déterminants pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché du médicament.
Durant cette étape, les exigences en matière de bonnes pratiques cliniques (BPC) doivent être respectées. Depuis le 31 janvier 2022, le nouveau Règlement européen 536/2014 est entré en vigueur, harmonisant les procédures d’évaluation et de supervision des essais cliniques dans l’Union européenne.
Étape 4 : Développement industriel – Validation des procédés et assurance qualité
Si les essais cliniques sont concluants, le développement industriel commence. Cette phase consiste à mettre au point un procédé de fabrication reproductible à grande échelle.
Des lots techniques, puis des lots pilote et enfin des lots de validation à la taille industrielle sont réalisés.
Pendant toutes ces étapes, les bonnes pratiques de fabrication (BPF) doivent être appliquées. Les BPF sont essentielles pour garantir la qualité et la sécurité des produits et assurer la traçabilité.
Étape 5 : Autorisation de mise sur le marché (AMM)
Une fois la phase III des essais cliniques achevée et le développement industriel finalisé, le dossier d’enregistrement est soumis aux autorités réglementaires compétentes pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché (AMM). En Europe, cette demande peut être adressée à l’agence européenne des médicaments (EMA) pour une procédure centralisée, ou aux autorités nationales compétentes pour d’autres procédures. Quatre types de procédures d’AMM sont disponibles en Europe : trois procédures européennes (centralisée, décentralisée, et de reconnaissance mutuelle) ainsi qu’une procédure nationale.
La délivrance d’une AMM est fondée sur l’examen de la balance bénéfice/risque du produit, et plus précisément sur l’examen de(s) :
– la démonstration de son efficacité au regard :
* des indications visées, c’est- à- dire la (ou les) maladie(s) ciblées par le médicament ;
* du profil des patients auxquels il est destiné ;
* de la posologie recommandée (dose, durée de traitement) ;
– effets indésirables prévisibles liés à son utilisation et leur fréquence, recueillis au moment des essais non cliniques et cliniques ;
– la qualité chimique, biologique ou microbiologique du médicament (substance active et produit fini) ainsi que la qualité des procédés de fabrication.
Si l’AMM est accordée, le médicament peut être commercialisé, mais le processus de contrôle ne s’arrête pas là.
Common Technical Document (CTD).
Le format du dossier de soumission pour l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament a été harmonisé entre les principales autorités de santé : l’Agence Européenne des Médicaments (EMA), la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis et le ministère Japonais de la Santé (MHLW/PMDA). Ce format est appelé Common Technical Document (CTD).
Le CTD est structuré en cinq modules :
– Le module 1, propre à chaque région (Europe, USA, …) ne fait pas réellement parti du CTD car il contient des informations administratives spécifiques à chaque région.
– Les modules 2, 3, 4 et 5 sont communs à toutes les régions.
– Le module 2 regroupe les résumés des informations détaillées dans les modules 3, 4 et 5.
– Le module 3, appelé module Qualité, présente le procédé de fabrication du principe actif et du produit fini (= le médicament).
– Le module 4 regroupe les données précliniques, issues des études réalisées sur les animaux.
– Le module 5 rassemble les données cliniques obtenues chez l’homme, incluant les résultats des essais cliniques et les informations de pharmacovigilance recueillies après la commercialisation.
Crédit photo : ICH
Étape 6 : Surveillance post-commercialisation (Phase IV) : Pharmacovigilance
La phase IV, ou phase de surveillance post-commercialisation, vise à suivre la sécurité et l’efficacité à long terme du médicament lorsqu’il est utilisé par une population plus large et dans des conditions réelles. Des systèmes de pharmacovigilance (Periodic safety update reports (PSURs), …) sont mis en place pour détecter et signaler tout effet indésirable non identifié lors des essais cliniques. Cette surveillance continue permet d’évaluer les bénéfices-risques du médicament et, si nécessaire, d’adopter des mesures correctives.
Focus réglementation : Les bonnes pratiques intervenant à chaque étape
Le respect des bonnes pratiques constitue un pilier fondamental du processus de développement d’un médicament. Chaque phase de la mise sur le marché d’un médicament est encadrée par des règles spécifiques pour assurer la qualité et la sécurité des produits :
- Bonnes pratiques de laboratoire (BPL) : Obligatoires durant la phase préclinique, elles garantissent la validité des données toxicologiques.
- Bonnes pratiques cliniques (BPC) : Appliquées aux essais cliniques, elles s’assurent que les études respectent l’éthique et la sécurité des participants.
- Bonnes pratiques de fabrication (BPF) : Nécessaires lors de la production industrielle, elles garantissent que les médicaments sont fabriqués dans les conditions qui permettent de garantir la sécurité, la qualité, l’identité, la pureté et le dosage du médicament afin de garantir son efficacité et son innocuité
- Bonnes Pratiques de Pharmacovigilance (BPPV) : Essentielles pour prévenir le risque de survenue d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et contribuer ainsi à la protection des patients.
Les autorités réglementaires telles que l’EMA, la FDA ou l’ANSM sont chargées de vérifier la conformité des produits avant et après leur mise sur le marché.
Pour en savoir plus sur la mise sur le marché d’un médicament en France :
https://ansm.sante.fr/page/autorisation-de-mise-sur-le-marche-pour-les-medicaments
Conclusion
Le processus de mise sur le marché d’un médicament est une succession d’étapes rigoureusement contrôlées qui garantissent la sécurité et l’efficacité des traitements destinés aux patients. De la recherche préclinique à la surveillance post-commercialisation, chaque phase impose des exigences de qualité adaptées pour assurer la sécurité, la qualité et l’efficacité des médicaments durant tout leur cycle de vie.
Cet article vous a plu, n’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous ou à le partager.
Question fréquente
Quelle est la durée de chaque étape ?
Le développement d’un nouveau médicament est un processus long et rigoureux, qui peut s’étendre sur 10 à 15 ans, sans compter les études post-AMM.
Voici une estimation des durées pour chaque phase :
- Recherche exploratoire : Environ 2 à 5 ans, selon les résultats obtenus lors de la sélection et de l’analyse des molécules prometteuses.
- Tests précliniques : Généralement 1 à 2 ans avec des études in vitro et in vivo sur des modèles animaux pour évaluer la toxicité et l’efficacité.
- Essais cliniques :
- Phase I (sécurité et tolérance) : De quelques mois à un an, sur un petit nombre de volontaires sains.
- Phase II (posologie et efficacité) : Entre 1 et 2 ans, avec plusieurs centaines de patients .
- Phase III (confirmation d’efficacité ): Environ 1 à 3 ans, avec plusieurs milliers de patients pour confirmer le rapport bénéfice/risque et comparer avec des traitements existants.
- Procédures administratives en France (AMM, prix, remboursement) : Environ 2 à 3 ans pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché et les accords nécessaires.
- Phase IV (suivi post-commercialisation / pharmacovigilance) : souvent sur plus de 15 ans, cette surveillance dure pendant toute la durée de commercialisation, afin de détecter des effets indésirables rares et surveiller l’utilisation à grande échelle.
Documents de référence
- Bonnes Pratiques de Laboratoire
* Directive Européenne : DIRECTIVE 2004/10/CE
* Réglementation française :
(Lien internet réglementation française : http://legifrance.gouv.fr)
– Arrêté du 14 mars 2000 relatif aux bonnes pratiques de laboratoire pour le médicament à usage humain pris pour application de l’article L. 5121-7 du code de la santé publique
– Arrêté du 19 novembre 2004 fixant les règles générales relatives aux modalités d’inspection et vérification des bonnes pratiques de laboratoire pour le médicament à usage humain ainsi qu’à la délivrance de documents attestant de leur respect.
– Article D523-8 du Code de l’environnement et Annexe II à cet article.
* OCDE (1998), Les Principes de L’OCDE de bonnes pratiques de laboratoire, Série OCDE sur les principes de bonnes pratiques de laboratoire et la vérification du respect de ces principes, no. 1, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264078543-fr. - Bonnes Pratiques Cliniques (BPC)
* ICH E6 (R3) Guideline for good clinical practice (GCP) - Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF)
* Réglementation Européenne : Eudralex volume 4 (GMP guidelines),
* Réglementation française :
Bonnes Pratiques de Fabrication des médicaments Humains
Bonnes Pratiques de Fabrication des médicaments vétérinaires - Bonnes Pratiques de Pharmacovigilance
* Réglementation française : BPPV - CDT
* ICH M4 : The Common Technical Document (CTD)
* ICH M8 : Electronique Common Technical Document (eCTD) v4.0
Acronyme / Abréviations / Glossaire
ASTM : American Society for Testing Material (Société Américaine des matériaux d’essai)
BPC : Bonnes Pratiques Clinique
BPF : Bonnes Pratiques de fabrication
BPL : Bonnes Pratiques de Laboratoire
BPPV : Bonnes Pratiques de Pharmacovigilance
CTD : Common Technical Document
ISPE : International Society for Pharmaceutical Engineering
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economiques
Vous pourriez également être intéressé(e) par l’article suivant:
Liste des organismes de réglementation des médicaments de chaque pays
Merci pour ces explications détaillées sur le processus de mise sur le marché d’un médicament. C’est tellement intéressant de voir comment ça se passe, je me rends compte que c’est un processus tellement long.
Avec plaisir Hélène! Oui, c’est un processus rigoureux et long, mais essentiel pour garantir la sécurité et l’efficacité des médicaments. 😊
MERCI DE CETTE SYNTHESE
une petite remarque ; vous évoquez les BP qui jalonnent ce parcours , mais vous avez oublié les BPDG qui s’imposent au promoteur lors de la distribution des médicaments pour essais cliniques, et dont il faut prévoir la conformité dans la conception de la Supply chain d’approvisionnement du futur médicament ( importation , fabrication, distribution )
Merci pour votre remarque pertinente ! Vous avez tout à fait raison, les Bonnes Pratiques de Distribution pour les médicaments sont essentielles et doivent être intégrées à toutes les étapes.
C’est génial, merci beaucoup Madame Agnès pour tout vos efforts .
Avec grand plaisir ! Merci pour votre message Ben Hassine Emna.
Merci Agnès pour cet article très intéressant !
J’aurais souhaité avoir une idée du temps nécessaire pour chaque phase dont tu parles. Pourrais-tu me donner une idée ?
Merci d’avance.
Merci pour ton retour, Géraldine ! Bonne idée, j’ajoute la réponse dans le paragraphe ‘Questions fréquentes