Déterminer la périodicité d’étalonnage ou de vérification métrologique d’un instrument de mesure peut être une tâche complexe, mais c’est une étape essentielle pour garantir des résultats fiables et précis. Dans cet article, nous aborderons les aspects essentiels de l’établissement de la périodicité d’étalonnage ou de vérification métrologique.
Nous commencerons par expliquer l’importance de procéder à des vérifications régulières des instruments de mesure afin de maintenir leur précision. Ensuite, nous présenterons différentes approches pour définir la périodicité d’étalonnage, en prenant en compte les recommandations du fabricant, la réglementation métrologique applicable et les besoins spécifiques de l’entreprise.
De plus, nous discuterons de deux guides qui peuvent vous aider dans le processus de détermination des périodicités d’étalonnage : le fascicule de documentation FD X07-014 et le guide ILAC-G24 / OIML D 10.
Enfin, nous détaillerons les trois méthodes présentées dans le fascicule de documentation FD X07-014 : la méthode de la dérive, le rapport de périodicité et la méthode OPPERET. Ces méthodes fournissent des approches pratiques pour établir la fréquence appropriée d’étalonnage ou de vérification métrologique de vos instruments de mesure.
Note : Dans cet article, nous utiliserons le terme « périodicité ou fréquence d’étalonnage » pour simplifier la lecture, mais cela s’applique également à la fréquence de vérification métrologique. Pour comprendre la distinction entre étalonnage et vérification métrologique, veuillez vous référer à la section « Question fréquente » à la fin de cet article.
Sommaire
Pourquoi est-ce important d’étalonner régulièrement un instrument de mesure ?
Il est important d’établir une fréquence d’étalonnage ou de vérification métrologique pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, cela permet d’assurer la fiabilité des mesures. En effet, tous les instruments de mesure ont tendance à dériver avec le temps en raison de divers facteurs tels que l’usure mécanique, le vieillissement des composants et les conditions d’utilisation (conditions climatiques, vibrations, radiations ionisantes, …). En effectuant des vérifications régulières, on peut détecter et corriger ces dérives afin de maintenir la précision des mesures et ainsi éviter les conséquences d’une mesure incorrecte sur la qualité des produits.
De plus, établir une fréquence de vérification métrologique est également nécessaire pour se conformer aux obligations réglementaires et normatives. De nombreuses réglementations et normes, telles que les bonnes pratiques de fabrication (cGMP) ou l’ISO 9001, exigent l’étalonnage régulier des instruments de mesure.
En résumé, l’établissement d’une fréquence de vérification métrologique appropriée est essentiel pour maintenir la fiabilité des mesures, garantir la qualité et la conformité des produits fournis et respecter les obligations réglementaires et normatives. Cela permet de prévenir les dérives et d’optimiser les processus de mesure.
Voyons maintenant, quelles sont les approches possibles pour nous aider à définir la périodicité d’étalonnage ou de vérification métrologique des instruments de mesure.
Comment définir les périodicités d’étalonnage ?
La définition des périodicités d’étalonnage peut se faire selon plusieurs approches :
- Les recommandations du fabricant de l’instrument de mesure :
Certains fabricants fournissent des recommandations spécifiques sur les fréquences d’étalonnage ou de vérification, par exemple, une périodicité de 12 mois ou après un certain nombre d’utilisations (par exemple, 100 utilisations). Il est important de prendre en compte ces recommandations pour maintenir les performances optimales de l’instrument car elles sont en générales basées sur des considérations techniques et sur les performances attendues de l’instrument
- La réglementation :
Dans le cadre de la métrologie légale, certaines catégories d’instruments de mesure, tels que les balances commerciales, les pompes à essence, les compteurs d’eau et de gaz, etc., sont soumises à des périodicités de vérification spécifiques. Ces exigences sont établies pour protéger les consommateurs et garantir l’équité dans les transactions commerciales. Le décret n°2001-387 du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure fournit des informations détaillées à cet égard.
- Les besoins spécifiques de l’entreprise :
Chaque entreprise peut définir ses propres périodicités d’étalonnage en fonction de ses besoins spécifiques et de la criticité de l’instrument de mesure dans son processus. Par exemple, les instruments utilisés dans des applications critiques ou ayant un impact significatif sur la qualité du produit peuvent nécessiter des vérifications plus fréquentes ou si l’instrument est utilisé intensivement, dans des conditions difficiles ou dans un environnement exigeant.
Dans ce cas, quels sont les textes de référence pour nous aider à choisir la périodicité d’étalonnage des instruments de mesure la plus adaptée ?
Quels guides utiliser pour déterminer les fréquences d’étalonnage ?
Les deux guides les plus utilisés pour déterminer ou optimiser les fréquences d’étalonnage des instruments de mesure sont :
- Le fascicule de documentation FD X07-014 – Métrologie – Optimisation des intervalles de confirmation métrologique des équipements de mesure publié en novembre 2006 par l’AFNOR. Ce document propose des méthodes, telles que la méthode de la dérive, le rapport de périodicité, et la méthode OPPERET.
Note : la méthode OPPERET reprise en annexe du fascicule FD X07-014 a été développée par le Collège Français de Métrologie (CFM) dans son ouvrage « Optimisation des Périodicités d’Étalonnage : la méthode Opperet ».
- Le Guide pour la détermination des intervalles de réétalonnage des équipements de mesure ILAC-G24 / OIML D 10 Édition 2022 élaborer conjointement par l’ILAC (International Laboratory Accreditation Cooperation) et l’OIML (Organisation International de Metrologie Légale). Ce guide présente différentes approches, pour déterminer les intervalles de réétalonnage, notamment la méthode d’ajustement automatique ou escalier, la méthode par carte de contrôle, la méthode par temps d’utilisation, la méthode de vérification « en service » ou test de « boîte noire », ainsi que d’autres approches statistiques.
Ces deux documents fournissent des approches structurées et des méthodologies reconnues pour aider à établir les fréquences appropriées d’étalonnage ou de vérification métrologique des instruments de mesure.
Comment optimiser les périodicités d’étalonnage ?
(3 exemples de méthodes d’optimisation)
Il existe plusieurs méthodes pour optimiser les périodicités d’étalonnage notamment les 3 méthodes décrites dans le fascicule de documentation FD X07-014 que nous allons détaillées maintenant :
- La méthode de la dérive
- Le rapport de périodicité
- La méthode OPPERET
Méthode de la dérive
La méthode de la dérive est basée sur l’analyse de l’historique des résultats de mesure. Elle consiste à choisir la périodicité de vérification en fonction de l’apparition de dérives dans les mesures. Cette méthode est applicable à tous les instruments de mesure qui subissent une usure au fil du temps. Son objectif est d’anticiper la date limite d’usure en se basant sur les comportements passés observés.
En utilisant la méthode de la dérive, on analyse les données de mesure précédentes pour détecter des tendances ou des variations significatives. On recherche des signes indiquant une dégradation progressive des performances de l’instrument. Par exemple, des écarts de mesure de plus en plus importants ou des résultats s’éloignant progressivement des valeurs de référence.
En se basant sur ces observations, on peut déterminer la périodicité de vérification appropriée. Il s’agit de choisir un intervalle de temps où la dérive est susceptible de rester dans des limites acceptables. Ainsi, en effectuant des vérifications à des intervalles réguliers, on peut détecter les dérives avant qu’elles n’affectent significativement la fiabilité des mesures.
La méthode de la dérive permet donc d’adapter la fréquence de vérification en fonction du comportement réel de l’instrument de mesure, plutôt que de se baser sur des intervalles fixes préétablis. Cela permet d’optimiser les ressources et de garantir une fiabilité des mesures tout en évitant une sur-vérification inutile.
Rapports de Périodicité
Cette seconde méthode (méthode des rapports de périodicité) se base sur le rapport entre l’incertitude de l’instrument de mesure et l’incertitude totale du processus dans lequel cet instrument est utilisé. Si l’incertitude de l’instrument de mesure est faible par rapport à l’incertitude du processus, une dérive de l’instrument de mesure aura peu d’impact, ce qui permet d’adopter une fréquence d’étalonnage plus élevée.
En revanche, si l’incertitude de l’instrument de mesure est prépondérante par rapport à l’incertitude du processus, une dérive de l’instrument de mesure aura un impact important, ce qui nécessite une fréquence d’étalonnage plus faible.
Cette méthode peut être appliquée à tous les instruments de mesure pour lesquels on connaît l’incertitude d’utilisation ainsi que l’incertitude du processus dans lequel ils sont utilisés. En évaluant ces rapports d’incertitude, on peut déterminer la fréquence d’étalonnage appropriée pour maintenir la fiabilité des mesures dans le contexte spécifique du processus.
En utilisant les rapports de périodicité, on prend en compte l’impact réel de la dérive de l’instrument de mesure sur la qualité globale du processus. Ainsi, la fréquence d’étalonnage est adaptée en fonction de l’importance de l’instrument dans le processus et de sa contribution à l’incertitude globale. Cela permet de prioriser les efforts d’étalonnage et d’optimiser les ressources en se concentrant sur les instruments dont la dérive aurait un impact significatif sur la qualité du processus.
Méthode Optimisation des périodicités d’étalonnage : Méthode OPPERET
La méthode OPPERET (OPtimisation des PERiodicités d’ETalonnage) se fonde sur une analyse du risque qui prend en compte les facteurs influençant sur la qualité des mesures réalisées et la connaissance du procédé.
Elle évalue le risque en tenant compte de :
- la gravité des conséquences d’une mesure erronée
- la probabilité d’apparition d’une mesure erronée : incertitude du processus de mesure comparée à la tolérance sur le produit ou le service
Comme toute analyse de risque, cette méthode nécessite de constituer un groupe de travail. Le groupe de travail doit être composé des différents métiers partie prenante dans le processus métrologique, évidement des personnes du service métrologie, production, qualité mais aussi des achats, ou toute autre personne impliquée dans l’étalonnage de l’instrument de mesure.
Une fois le groupe de travail constitué, il faudra définir le périmètre de l’étude, comprenant :
- le parc d’équipement à étudier. Ces instruments peuvent ensuite être regroupés soit par grandeurs de mesure et / ou utilisation ;
- les critères de cotation. Le choix des critères se fait en fonction de leur influence sur la mesure, en utilisant au moins cinq des neuf critères proposés dans le fascicule FD X07-014 ;
- le coefficient de pondération des critères de cotation en fonction de leur impact ;
- la grille de cotation de chaque critère.
Une fois le périmètre déterminé, il faudra effectuer la cotation de chaque instrument ou groupe d’instruments, puis réaliser le calcul des périodicités, de les valider et éventuellement de les ajuster pour lisser les périodicités d’étalonnage. Par exemple, si vous sous-traitez l’étalonnage de certains équipements ou si l’étalonnage nécessite l’arrêt de l’équipement, il est peut-être intéressant de revoir la périodicité d’étalonnage calculée.
Le calcul des périodicités n’est pas détaillé ici, mais il repose sur l’hypothèse d’une distribution gaussienne des périodicités. Une fois la cotation des facteurs d’influence réalisée, il faut calculer la moyenne et l’écart –type, puis l’écart normalisé. Ces équations de calculs sont généralement paramétrées dans les logiciels de suivi métrologique. Pour plus de détails sur les calculs, vous pouvez vous référer au fascicule FD X07-014.
Les neuf critères de la méthode OPPERET proposés dans la FD X 014 sont les suivants :
- Gravité des conséquences d’une mesure erronée : évalue les impacts négatifs potentiels résultant d’une erreur de mesure.
- Capabilité du processus de mesure: mesure la capacité du processus à produire des résultats conformes aux spécifications.
- Capabilité de l’équipement de mesure: évalue la capacité de l’instrument de mesure à réaliser des mesures précises et fiables.
- Dérive de l’équipement : évalue les variations ou les déviations de performance de l’équipement au fil du temps.
- Intervention sur l’équipement : évalue la fréquence et l’impact des interventions sur l’instrument de mesure, telles que l’ajustage ou la réparation.
- Facteurs permettant de déceler les anomalies : identifie les indicateurs ou les signaux qui permettent de détecter les anomalies ou les dysfonctionnements.
- Facteurs aggravants : prend en compte les éléments qui peuvent entrainer des erreurs de mesures (exemple : fréquence d’utilisation, vibrations, température extrême, …)
- Contraintes de coûts : évalue les contraintes budgétaires ou financières liées à la mise en place de mesures de prévention ou de correction.
- Contraintes opérationnelles : tient compte des limitations ou des contraintes spécifiques liées au contexte opérationnel dans lequel la mesure est effectuée (conditions de travail particulières, exigences de sécurités, …).
Les critères à retenir sont ceux qui ont le plus d’influence sur la mesure.
La méthode OPPERET présente certaines difficultés d’application, notamment la collecte d’informations, la définition des critères et des coefficients de pondération, ainsi que la détermination des périodicités minimale et maximale acceptables.
Cependant, elle offre des avantages tels que la justification des décisions prises grâce à une analyse de risque, une norme normalisée plus facile à justifier, des périodicités adaptées à chaque instrument (puisque deux instruments de mesure identiques mais utilisés différemment peuvent avoir des périodicités différentes), la réduction des coûts liés à la gestion du parc d’instruments de mesure et une facilité d’intégration des nouveaux équipements.
La méthode OPPERET permet une optimisation des périodicités d’étalonnage mais elle requiert pour cela une bonne connaissance des processus de mesures.
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Conclusion
En résumé, tout instrument de mesure dérivant, il est essentiel d’étalonner régulièrement ces instruments de mesure pour maintenir leur précision, garantir la fiabilité des mesures, se conformer aux normes et réglementations, détecter précocement les problèmes et assurer la traçabilité des mesures.
Plusieurs approches peuvent être utilisées, telles que les recommandations du fabricant, la réglementation métrologique et les besoins spécifiques de l’entreprise.
Des guides tels que le fascicule de documentation FD X07-014 et le guide ILAC-G24 / OIML D 10 offrent des méthodologies reconnues pour aider à établir les fréquences appropriées.
Pour optimiser les périodicités d’étalonnage, différentes méthodes sont disponibles, notamment la méthode de la dérive, le rapport de périodicité et la méthode OPPERET que nous avons développée dans cet article.
La méthode de la dérive permet d’anticiper les dérives en analysant l’historique des résultats de mesure. Les rapports de périodicité évaluent l’impact de la dérive sur le processus global, tandis que la méthode OPPERET utilise une analyse de risque prenant en compte les facteurs influençant la qualité des mesures.
N’hésitez pas à partager en commentaires les méthodes que vous utilisez pour déterminer les fréquences d’étalonnage de vos appareils de mesure, ainsi que les avantages et les difficultés que vous rencontrez lors de leur utilisation. Cela aidera d’autres lecteurs.
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Questions fréquentes :
Q1 : Quelle différence entre étalonnage et vérification métrologique ?
D’après le Collège Français de Métrologie :
- Un étalonnage permet de connaître l’erreur de l’instrument et en cas de défaut de justesse de la compenser en appliquant une correction.
- La vérification permet de savoir que l’erreur de mesure est plus petite qu’une erreur appelée erreur maximale tolérée. L’erreur maximale tolérée est définie par l’utilisateur comme étant la plus grande erreur qu’il est prêt à accepter.
Pour des informations plus complètes, lire l’article du Collège Français de Métrologie, sur le sujet, en cliquant ici.
Article très pertinent,
toujours agréable à lire.
Merci beaucoup.
Je te remercie Houcine pour tes encouragements. Bonne journée.
Bonjour,
Avez-vous une idée sur la manière d’opérer ou les actions de vérification, réétallonnage, requalif en cas de déplacement d’un équipement? En un mot, comment établir le plan de remise en service du système suite à un déplacement?
Bonjour Gora,
Merci pour votre question. Pour établir un plan de remise en service d’un équipement lors d’un déplacement, il faut évaluer l’impact de ce changement sur l’appareil concerné.
Prenons deux exemples d’appareils de pesée : un transpalette peseur et une balance de laboratoire.
– Transpalette peseur : Cet appareil, conçu pour être déplacé, ne nécessite généralement pas de ré-étalonnage après un déplacement, sauf en cas de choc.
– Balance de laboratoire : Le déplacement de cet appareil sensible nécessite un ré-étalonnage, car le transport peut affecter ses mesures.
Pour rappel, si vous travaillez en industrie pharmaceutique, avant de déplacer un équipement vous devez effectuer une demande de changement. Cette demande permettra d’évaluer l’impact du déplacement sur l’appareil de manière spécifique. Voici les étapes clés à considérer :
– Évaluation initiale : Commencez par évaluer l’état de l’équipement avant le déplacement pour identifier tout problème existant;
– Planification du déplacement : Documentez les étapes du déplacement, y compris les précautions à prendre pour éviter d’endommager l’équipement;
– Transport sécurisé : Assurez-vous que le transport de l’équipement est effectué en toute sécurité, en utilisant les moyens de protection appropriés.
– Inspection post-déplacement : Une fois l’équipement déplacé, inspectez-le visuellement pour détecter tout dommage possible survenu pendant le transport.
– Vérification, qualification et ré-étalonnage de l’équipement dans son nouvel emplacement : Vérifiez que l’équipement est correctement installé dans son nouvel emplacement, effectuez des tests fonctionnels pour vérifier que l’équipement fonctionne correctement dans son nouvel emplacement. Si l’équipement nécessite un étalonnage, effectuez-le pour vous assurer qu’il fournit des mesures précises.
Voilà, j’espère que ces précisions, vous aiderons.
Coridalement,
Agnès